La copropriété en difficulté
Quand peut-on dire que la copropriété est en difficulté ?
Une copropriété est considérée en difficulté lorsqu'elle rencontre des problèmes financiers, techniques ou administratifs persistants, entraînant un dysfonctionnement de sa gestion ou une dégradation du bâti.
Plusieurs signes permettent de qualifier cette situation :
- un taux d'impayés élevé, dépassant 25 % du budget voté sur deux exercices consécutifs ;
- une absence ou carence du syndic ;
- des travaux urgents non réalisés malgré des mises en demeure ;
- ou encore une dégradation manifeste des parties communes (toiture, réseaux, structure).
Les données issues du Registre national des copropriétés (RNC) permettent désormais d'identifier plus tôt les immeubles fragilisés, grâce aux informations financières et techniques transmises chaque année par les syndics.
Bon à savoir : selon l'Anah, environ 1 copropriété sur 10 en France présente aujourd'hui des signes de fragilité, principalement dans les grands ensembles construits avant 1980.
Les causes des difficultés
Les difficultés peuvent être multiples et cumulatives :
- Financières : hausse des impayés, insuffisance du fonds de travaux, absence de planification budgétaire.
- Techniques : vétusté du bâti, mauvaise isolation, défaut d'entretien, sinistres non réparés.
- Organisationnelles : désintérêt des copropriétaires, conflits internes, syndic défaillant, absence de conseil syndical.
- Sociales : paupérisation des occupants, logements vacants, copropriétaires bailleurs défaillants.
Depuis 2023, la loi "Climat et Résilience" et le décret du 22 décembre 2023 ont ajouté un facteur aggravant : l'interdiction progressive de location des logements classés F ou G au DPE, qui fragilise financièrement les copropriétés non rénovées.
À retenir : les difficultés d'une copropriété sont rarement le fruit d'un seul problème — elles résultent souvent d'une accumulation de négligences sur plusieurs années.
De nouvelles obligations et de nouvelles possibilités
Depuis 2025, plusieurs réformes ont renforcé les outils de prévention et d'accompagnement :
- Immatriculation obligatoire et mise à jour annuelle sur le Registre national des copropriétés, avec signalement automatique des copropriétés présentant un taux d'impayés élevé ou un défaut de gouvernance.
- Plan pluriannuel de travaux (PPT) obligatoire pour toutes les copropriétés de plus de 15 ans, afin d'anticiper les rénovations et d'éviter la dégradation du bâti.
- Aides financières renforcées via MaPrimeRénov' Copropriété, Action Cœur de Ville ou Petites Villes de Demain pour la rénovation énergétique des ensembles fragiles.
- Possibilité pour les collectivités ou les Établissements Publics Fonciers (EPF) de préempter ou acquérir des lots vacants dans le cadre d'opérations de requalification.
Exemple récent : la réforme du dispositif ORCOD+ (2024) permet désormais d'intervenir plus tôt dans les copropriétés en voie de dégradation, avant même l'administration provisoire.
La procédure d'alerte préventive ou désignation d'un mandataire ad hoc
Le mandataire ad hoc est une mesure préventive instaurée pour accompagner une copropriété avant que la situation ne devienne critique.
Mise en œuvre
- Elle peut être demandée par le syndic, le conseil syndical, le maire ou le président de l'EPCI compétent.
- Le tribunal judiciaire nomme un professionnel (souvent un administrateur judiciaire ou un expert immobilier) chargé de proposer des solutions de redressement dans un délai limité.
Objectif
Le mandataire n'a pas vocation à remplacer le syndic, mais à :
- identifier les causes des difficultés ;
- proposer un plan d'action réaliste (remise à jour des comptes, appels de fonds, travaux urgents) ;
- accompagner la copropriété dans sa gouvernance.
Cette étape est souvent le dernier recours avant l'administration provisoire.
Le traitement des difficultés : l'administration provisoire
Lorsque la copropriété ne parvient plus à fonctionner normalement, le tribunal peut prononcer la mise sous administration provisoire.
Rôle de l'administrateur provisoire
Il se substitue au syndic et au conseil syndical, et dispose de pouvoirs élargis pour rétablir la gestion et restaurer la solvabilité de la copropriété.
Ses missions incluent :
- la reprise de la comptabilité,
- la relance des impayés,
- la mise en œuvre des travaux urgents,
- la renégociation des contrats de maintenance,
- et la présentation d'un plan de redressement.
La durée initiale est généralement de 12 à 24 mois, renouvelable si la situation le nécessite.
Fin de mission
À l'issue de la période, un rapport de sortie est établi. Si la copropriété est redevenue viable, un syndic classique est désigné. Sinon, le plan de sauvegarde ou l'état de carence peut être prononcé.
Le plan de sauvegarde
Le plan de sauvegarde s'applique aux copropriétés dégradées présentant une combinaison de difficultés financières, techniques et sociales.
Objectif
C'est un outil de redressement global, élaboré par les pouvoirs publics avec l'appui de l'Anah, de la commune et du préfet.
Contenu
Le plan prévoit :
- la réhabilitation des parties communes,
- le traitement des impayés,
- la restructuration de la gouvernance,
- et parfois la mise en place d'un accompagnement social pour les occupants.
Il est arrêté par décret préfectoral et s'étend sur une durée de 5 à 10 ans.
Bon à savoir : depuis 2024, le plan de sauvegarde peut être articulé avec un projet de rénovation énergétique globale, afin d'aligner la remise à niveau du bâti sur les objectifs de performance environnementale.
L'état de carence
L'état de carence est déclaré lorsqu'une copropriété n'est plus en mesure d'assurer la conservation de l'immeuble ou la sécurité de ses occupants.
Il est prononcé par arrêté préfectoral, après expertise et procédure contradictoire.
Conséquences
- Le syndicat des copropriétaires est dissous.
- L'immeuble peut être exproprié pour cause d'utilité publique.
- Les copropriétaires sont indemnisés selon la valeur nette du bien, avant la reprise par un opérateur public ou privé (souvent un EPF).
L'état de carence est désormais rare, car les outils de prévention (mandataire ad hoc, plan de sauvegarde, ORCOD+) permettent d'intervenir bien en amont.
ORCOD : un nouvel outil pour aider les copropriétés dégradées
L'ORCOD (Opération de Requalification des Copropriétés Dégradées) est un dispositif renforcé depuis 2023, permettant aux pouvoirs publics d'agir de manière coordonnée et rapide dans les quartiers concernés.
Objectifs
- Réhabiliter les copropriétés en grande difficulté.
- Restructurer la gouvernance et rétablir la sécurité des habitants.
- Favoriser la mixité sociale et la revalorisation du parc immobilier.
Moyens d'action
Les ORCOD peuvent mobiliser :
- des financements publics (Anah, collectivités, fonds européens),
- des acquisitions ciblées de lots pour faciliter la réhabilitation,
- et une assistance technique pour les syndics et conseils syndicaux.
Exemples notables : Clichy-sous-Bois, Grigny 2, ou Marseille (copropriétés du centre ancien) sont aujourd'hui engagées dans des ORCOD ou ORCOD+.
Les copropriétés en difficulté ne sont plus une fatalité.
Grâce à la combinaison d'outils juridiques, financiers et techniques, les pouvoirs publics peuvent désormais prévenir les dérives avant qu'elles ne deviennent irréversibles.
En 2025, la clé du redressement réside dans la gouvernance partagée, la transparence financière et la rénovation énergétique concertée.
C'est en anticipant les fragilités que chaque copropriété peut garantir sa pérennité et la sécurité de ses occupants.